Le doctorat en droit (durée, débouchés, financement…)

Qu’est-ce qu’un doctorat en droit ? Quels sont les débouchés de la thèse ? Quelle est la durée d’un doctorat en droit ? Mélanie, actuellement doctorante en droit, nous partage tout ce qu’il faut savoir sur la thèse de doctorat en droit.

Mélanie, pouvez-vous vous présenter ?

Je me présente, je m’appelle Mélanie, je suis à ma 4e année de mon doctorat en droit.

Ma thèse porte sur « La prise en charge civile des mineurs non accompagnés », sous la direction du Professeur Ingrid Maria, à l’université Grenoble-Alpes.

Qu’est-ce qu’un doctorat en droit ?

Le doctorat est le plus haut diplôme universitaire, selon le système LMD (Licence – Master- Doctorat).

Il correspond à un Bac +8, avec une durée, par principe, de 3 ans, même si ce n’est pas nécessairement le cas en réalité.

A noter : en moyenne, une thèse de doctorat droit dure 5 ans !

Pendant les années de doctorat, le doctorant a pour objectif de faire des recherches sur un sujet précis et déterminer.

Suite à ces recherches, le doctorant rédige une thèse qui retranscrit son étude, son point de vue sur le sujet et un véritable raisonnement juridique. Il devient de ce fait, un expert sur le sujet choisi.

A la fin du doctorat, le doctorant rend sa thèse en version papier et fait une soutenance devant un jury. A la fin de la soutenance, le jury délivre le diplôme de doctorat et l’intéressé devient docteur.

Pourquoi faire un doctorat en droit ?

Le choix de se lancer dans l’aventure du doctorat en droit n’est pas chose aisée. J’ai moi-même pris beaucoup de temps pour faire ce choix.

L’incertitude durant le Master 1

Pendant mon année de Master 1, je disais que si j’avais envie et que je m’en sentais capable je ferais une thèse.

Pourtant, à ce moment-là, je voyais la rédaction d’un mémoire de recherche comme un vrai défi, je me sentais nulle comparé à beaucoup d’autres étudiants.

Je n’avais pas de bonnes notes en dissertation juridique et je n’étais même pas sûr d’obtenir un Master 2.

Le mémoire de Master 2

J’ai finalement eu le Master 2 que je voulais. Je me suis rapidement lancée dans les recherches du sujet de mémoire. En effet, je suis arrivée à la rentrée avec déjà une idée de sujet : je voulais travailler sur les mineurs non accompagnés.

J’ai donc commencé mes recherches en novembre et j’ai soutenu mon mémoire début juillet.

Lors de ma soutenance, mes professeures m’ont demandé si je souhaitais faire un doctorat en droit. Pour elles, j’avais toutes les qualités pour la recherche. À cette époque, je souhaitais passer le concours de la magistrature et je pensais pouvoir reporter l’idée d’une thèse à plus tard.

La conciliation avec l’ENM ?

Je me suis inscrite dans un IEJ pour passer l’ENM. Pendant les deux mois où j’ai préparé le concours, je n’arrêtais pas de penser à cette possibilité de thèse que je laissais derrière moi avec regret. J’avais beaucoup aimé faire mon mémoire et je sentais que je n’étais pas allée assez loin dans mon sujet.

J’ai finalement fait un burn-out en préparant mon concours. J’ai tout laissé tomber pour comprendre ce que je voulais vraiment faire comme métier. J’ai rapidement compris que je devais me diriger vers la thèse. La professeure, qui suivait mes recherches en master 2, a tout de suite accepté de me prendre en thèse.

Comment s’organise le temps de travail en thèse ?

Chargé de TD et doctorat en droit

Une fois que le sujet est choisi et le directeur trouvé, il suffit de s’inscrire en thèse et de décider si on souhaite être chargé de TD ou non.

À ce titre, ayant commencé ma thèse en milieu d’année et à distance je ne pouvais pas être chargé de TD en première année.

Actuellement, je suis chargé de TD, depuis 2 ans en tant que vacataire et en septembre je serais chargé de TD en tant que ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche).

Peut-on travailler à côté de la thèse ?

Pour subvenir à mes besoins, j’ai dû trouver un petit boulot à coté de ma thèse. Il n’est pas possible de concilier la thèse avec un job de 35 heures par semaine.

Je me suis donc orientée vers un service civique. Je savais que cela allait me prendre 25 heures par semaine, et j’allais rentrer sans emporter de travail à la maison.

Je pourrais donc pleinement me consacrer à ma thèse pendant mes jours de repos. C’est effectivement ce qui s’est passé. 3 jours et demi par semaine j’étais juriste en surendettement, je travaillais ma thèse pendant 2 jours et demi et je me gardais le dimanche pour moi.

Les débuts en tant que chargée de TD

En 2e année de thèse, j’ai commencé à être chargée de TD. Mais, je n’ai pas pu conserver mon rythme de première année.

J’ai une ou deux matières par semestre à enseigner en tant que chargée de TD. Je passe donc une journée à préparer mon TD et je me garde une journée en plus pour aller donner mes cours et corriger des copies.

Le reste du temps, je travaille ma thèse (soit environ 2-3 jours par semaine).

Travailler sur la thèse est difficile

On se rend vite compte que passer une journée complète sur la thèse c’est difficile. Il n’est pas possible de rester concentré aussi longtemps en faisant des recherches.

De plus, quand on a un bureau à l’université, on est toute la journée avec d’autres doctorants. C’est une magnifique expérience, on peut se motiver ensemble, s’entraider et aussi procrastiner quand le besoin se fait sentir.

Comment s’organiser durant sa thèse ?

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de travailler 8 heures par jour. Il faut trouver un compromis en fonction de ce que l’on est capable de faire.

Par exemple, pendant le confinement je travaillais ma thèse tous les jours mais seulement 2 heures. Sinon je n’en pouvais plus et je ne voulais plus entendre parler de recherche.

On ne travaille qu’un seul sujet et il est important de ne pas se bouffer l’esprit avec ça. Même si normalement on adore son sujet, trop en faire ce n’est pas bon.

Il s’agit finalement de s’organiser, de faire aussi avec les conseils et les exigences de son directeur de thèse. Il faut s’écouter en premier lieu.

Ma directrice de thèse m’a toujours dit que ce n’est pas grave si je ne touche pas à ma thèse pendant quelques semaines. C’est même normal car on a le droit de prendre des vacances, d’être malade, d’avoir des soucis personnels ou d’avoir besoin seulement d’une pause.

Le doctorat en droit n’est pas un sprint, c’est un marathon !

Comment écrire sa thèse ?

Pendant la phase d’écriture de la thèse, le rythme de travail change. On ne peut pas écrire seulement pendant 1 heure.

Quand on a très peu de temps libre, mieux vaut soit reprendre une petite partie ou revoir ses notes de bas de page.

Sinon, pour ma part, il me faut au moins 3 heures devant moi pour commencer à rédiger une nouvelle partie.

Il n’est pas nécessaire d’écrire sa thèse dans l’ordre, il faut écrire comme cela parait le plus logique. De toute façon le plan bouge forcément entre sa validation et la thèse terminée.

Le rythme d’écriture est normalement d’un chapitre tous les 3-5 mois. Certains peuvent écrire très vite comme moi et rendre des chapitres tous les 2 mois mais d’autres ont besoin de plus de temps. Le mieux est de discuter avec son directeur d’un rythme à adopter.

Quelle est la durée de la thèse ?

Par principe, une thèse dure 3 ans. C’est pourquoi le contrat doctoral est prévu pour une durée initiale de 3 ans.

Pourtant, en sciences sociales et notamment en droit, il est très rare de faire une thèse en seulement 3 ans. La durée moyenne d’un doctorat en droit est de 5 ans et 6 mois.

• Cela signifie qu’il faut demander une dérogation pour se réinscrire en 4^ème et 5^ème année. Cette dérogation est très simple à obtenir, elle est même de droit dans certaines universités.

• Il est possible de se réinscrire en 6^ème et 7^ème année. Pour cela, la dérogation est plus difficile à obtenir et il est nécessaire de prouver que la thèse avance et que la soutenance approche.

Il faut noter que l’inscription vaut jusqu’au 31 décembre de l’année en cours.
Ainsi, une personne qui s’est inscrite en 4^ème année de thèse pourra soutenir entre septembre et décembre de l’année N+1 sans avoir besoin de se réinscrire en 5e année.

Quel financement pour le doctorat en droit ?

Le contrat doctoral, le graal ?

Généralement, il n’est pas nécessaire d’obtenir un financement pour faire son doctorat en droit.

Un financement correspond à un contrat doctoral d’une durée de 3 ans passé entre le doctorant et l’université.

• L’université s’engage à rémunérer le doctorant pour ses recherches.
• Le doctorant n’est pas obligé de donner des TD mais s’il le fait il doit le faire dans l’université de son contrat doctoral et sa rémunération sera un peu plus élevée.
• Le statut de doctorant contractuel est donc très avantageux et offre souvent plus d’avantages.

Comment avoir un contrat doctoral ?

La procédure concernant la sélection pour les contrats doctoraux n’est pas la même selon les facs.

En général, il faut présenter son dossier à l’école doctorale soit à la fin du master 2 (ou avant de commercer sa thèse) soit à la fin de la première année de thèse. Une pré-sélection s’opère dans un premier temps. Puis, il y a des auditions fin juin-début juillet. Le nombre de contrats dépend des universités et des années.

A noter : il y a souvent beaucoup de candidatures pour peu d’élus…

Que faire quand on n’a pas de contrat de doctoral ?

Personnellement, j’ai demandé un contrat doctoral à la fin de ma première année. Je ne l’ai malheureusement pas obtenu… Cela a été difficile à accepter car j’étais plutôt confiante et ma directrice aussi.

Mais ce n’est pas une fatalité, je suis quand même chargé de TD vacataire et maintenant ATER (Attaché temporaire d’enseignement et de recherche), ce qui me permet d’avoir un vrai salaire.

La rémunération passe alors par l’enseignement et non par la recherche. Il est aussi tout à fait possible d’avoir un travail à côté totalement autre ou d’être assistant de justice dans un tribunal.

Quels débouchés de la thèse en droit ?

Obtenir un doctorat en droit confère la qualité de “docteur“, ce qui correspond au plus élevé des diplômes universitaires en France.

Il y a donc plusieurs débouchés qui découlent du statut de docteur :

• Devenir docteur permet de devenir enseignant-chercheur, en obtenant la qualification de sa thèse par le CNU.

Le diplôme de doctorat est aussi une condition pour pouvoir passer le concours de l’agrégation et de devenir professeur agrégé des universités.

• Le doctorat permet aussi d’entrer à l’école des avocats sans passer l’examen du CRFPA. Pour autant, il faut quand même suivre la scolarité et obtenir son CAPA (examen de sortie) pour exercer la profession d’avocat.

Pour passer par cette passerelle, les écoles d’avocat demandent désormais que le docteur ait donné des travaux dirigés (TD) pendant son doctorat.

• Il est aussi possible de s’orienter vers l’Ecole nationale de la Magistrature (ENM). Pour cela, il faut cependant avoir faire deux masters 2 dans deux domaines différents ou que sa thèse porte sur une question très particulière pouvant fortement intéresser la magistrature.

• Il est toujours possible par la suite de passer d’autres concours de la fonction publique.

• Le doctorat en droit permet de travailler pour l’État ou des sociétés privées comme expert. En effet, le travail de la thèse est un travail sur un sujet très précis que le doctorant est le seul à maitriser. Il est donc expert dans son domaine. Selon le sujet, l’expertise apportée et la recherche effectuée peut intéresser des sociétés privées ou l’État.

Par exemple, l’Etat peut être intéressé par une personne qui travaille sur des sujets relatifs à l’armée ou au droit de l’énergie nucléaire.

• Enfin, de façon générale, le doctorat en droit permet d’exercer toute profession accessible avec une Licence en droit ou un master en droit.

ATTENTION : Dans ce cas, le docteur peut être considéré comme sur-diplômé et cela peut faire peur aux employeurs.

Comment devenir maître de conférences par la suite ?

Le but : obtenir la qualification CNU

Pendant un doctorat en droit, si l’on souhaite devenir maitre de conférences, il faut préparer la qualification CNU.

Pour cela, il faut avoir écrit une bonne thèse, mais je ne pourrais pas vous définir ce qu’est une “bonne thèse”.

En parallèle, l’écriture d’articles est primordiale pour montrer que l’on est un véritable chercheur.

Quels articles écrire ?

Un article sur le sujet de sa thèse ne compte pas pour le CNU. Il faut écrire des articles sur d’autres domaines que son champ d’études. Les articles peuvent être des commentaires d’arrêt ou des articles de fond/

La difficulté réside dans le fait de faire publier un article après l’avoir écrit. L’école doctorale de sciences juridiques de Grenoble offre des formations en droit privé et en droit public pour l’écriture des articles.

Ainsi, grâce à cette formation, j’ai eu la chance de publier un article en droit international de la famille à la revue droit de la Famille chez Lexis Nexis (Bois Farinaud (C.), PONCET (M.) « Dissolution du mariage bigame », AJ Fam. n°2, février 2022, comm. 25).

La participation aux colloques

Une autre méthode pour publier des articles est la participation à des colloques. Une contribution correspond à un écrit qui sera ou non publié. Pour ma part, 2 participations sont en cours de publication.

Enfin, certaines universités collaborent avec les cours d’appel pour commenter la jurisprudence de ces dernières et créer une revue à destination des professionnels. C’est le cas de l’université Grenoble Alpes, qui permet de publier quelques commentaires d’arrêts au cours de l’année.