Vous recherchez un exemple de cas pratique en responsabilité civile (avec corrigé) pour vous entraîner ou pour préparer vos TD ? Vous êtes au bon endroit.
Fait personnel, fait des choses, fait d’autrui, la responsabilité civile en a pour tous les goûts. Après avoir déterminé le régime de responsabilité envisageable, l’étudiant doit s’intéresser à la qualification et l’indemnisation des préjudices avant et après consolidation des blessures.
Il doit aussi vérifier si le lien de causalité n’est pas atténué ou évincé par une cause d’exonération.
Bref, un joli labyrinthe qui devient une promenade de santé lorsqu’on a compris tous les rouages (pas comme celui du Tournoi des 3 sorciers).
C’est pourquoi nous vous proposons un cas pratique avec corrigé en Droit de la responsabilité civile. À l’issue de cet article, la méthodologie du cas pratique et les attentes des correcteurs n’auront plus de secrets pour vous 🤓.
Cas pratique en responsabilité civile – L’énoncé
En manipulant le mixeur que Gabriel lui a prêté avant de partir en vacances, car le sien est en panne, Emily s’est coupée alors qu’elle préparait un dîner pour ses amis. La plaie est très profonde, elle ne peut plus faire usage de ses mains. Malheur, Emily a un travail manuel. Elle doit donc se mettre en arrêt pour plus de deux semaines d’après son médecin.
Furieuse, elle souhaite engager la responsabilité de Gabriel qui lui a remis ce mixeur monstrueux.
Elle vient vous consulter, car elle aimerait obtenir réparation pour ses préjudices, alors que Gabriel lui indique qu’il n’est en rien responsable. Un peu perdue, elle compte sur votre grande rigueur pour l’éclairer.
La responsabilité civile du fait des choses
La qualification juridique des faits
⚠️ Chaque protagoniste doit revêtir une qualification juridique. On fait du Droit, le français doit donc être adapté pour coller juridiquement aux situations.
Une victime s’est blessée après avoir manipulé une chose qui lui a été prêtée, dans son intérêt, en préparant un repas. Elle possède un bien identique qui était en panne au moment des faits.
Elle doit arrêter de travailler pendant une période à cause des blessures. Elle souhaite être indemnisée en engageant la responsabilité du propriétaire du bien qui lui a été confié.
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Le problème de droit
💡Il s’agit de répondre à « qui veut quoi ? » par rapport aux faits.
Ici, la victime veut obtenir réparation, car elle a subi un dommage (qu’on qualifie juridiquement de préjudice). Elle souhaite engager la responsabilité du propriétaire du bien instrument du dommage.
❌ « La victime peut-elle être indemnisée ? » Ne convient pas, car trop large.
✅ La victime d’un préjudice subi après manipulation d’un bien appartenant à autrui peut-elle engager la responsabilité du propriétaire de la chose ?
L’annonce du plan
Il convient de vérifier si le fait de la chose (I) a contribué au dommage (II) sous la responsabilité de son propriétaire (III).
💡De manière plus classique vous pourrez proposer des plans de type « il convient de vérifier le régime de responsabilité (I) et son invocabilité en l’espèce (II) avant de s’intéresser à la caractérisation et l’indemnisation des préjudices (III). Comprenez → fait générateur (I), lien de causalité (II) et préjudice (III).
La chose (I)
La majeure
Pour plus de rigueur, vous devez au préalable déterminer s’il s’agit d’une responsabilité civile contractuelle (art. 1231-1 C. civ.) ou extracontractuelle (art. 1240 s. C. civ.).
Vous écartez ensuite la responsabilité civile du fait personnel (art. 1240 et 1241 C. civ.) même si en l’espèce, il est évident qu’on ne va pas aller sur ce terrain, le fait générateur étant celui de la responsabilité du fait des choses (art. 1242 C. civ.).
L’évoquer pour l’évincer permet d’introduire le recours à la responsabilité du fait des choses.
L’article 1242, alinéa 1 du Code civil dispose que l’on est responsable des dommages causés par le fait des choses que l’on a sous sa garde.
La loi Badinter du 5 juil. 1985 pour les VTAM et le Code civil prévoient des régimes spécifiques à certaines choses (art. 1243 s. C. civ. : animaux, bâtiments en ruine, incendies, produits défectueux). Pour celles-ci, le droit commun ne s’applique pas (specialia generalibus derogant).
Les choses inappropriées ne sont pas concernées par ce régime (Civ. 2e, 9 avril 1973, n° 72-11.010).
La mineure
En l’espèce, la chose qui a blessé la victime était un mixeur, qui a un propriétaire. Ce n’est pas une chose inappropriée.
Le régime n’exclut aucune chose, mais ne s’applique pas si un régime spécifique est prévu. Or, le mixeur ne relève pas de tels dispositifs.
La conclusion
La condition relative à la chose est remplie.
Le rôle actif de la chose (II)
La majeure
Cette chose doit avoir joué un rôle actif dans la production du dommage (Civ. 2e 19 nov. 1964 ; Civ. 2e 29 mars 1971, n° 70-11.319).
⚠️ Les critères du contact, de la chose inerte ou en mouvement ne doivent pas être confondus avec son rôle actif.
Ce dernier est une condition du régime alors que les premiers conditionnent la charge de la preuve.
- Si la chose était en mouvement, son rôle actif est présumé.
- Si elle était en mouvement, mais qu’il n’y a pas eu de contact avec la victime, cette dernière devra rapporter la preuve du rôle actif (Civ. 2e 18 sept. 2003, n° 02-14.204).
- Si elle était inerte, la victime devra rapporter la preuve du rôle actif (Civ. 2e 24 févr. 2005, n° 03-13.536) et de sa position anormale ou de son mauvais état (Civ. 2e, 11 janv. 1995, n° 92-10.162).
Faites attention.
Dans notre cas, on n’a pas à s’en soucier, puisqu’en définitive, elle ne pourra pas engager la responsabilité du gardien (d’où l’intérêt de faire son plan avant de se lancer, vous savez où aller et ne perdez pas du temps à réaliser des développements inutiles. Le timing est précieux !)
La mineure
En l’espèce, c’est en manipulant le mixeur que la victime s’est blessée.
La conclusion
Par conséquent, la chose a bel et bien eu un rôle actif dans la production du dommage.
La garde de la chose (III)
Le gardien d’une chose n’est responsable que s’il dispose des pouvoirs de contrôle, d’usage et de direction sur la chose au moment où le dommage survient (Cass. ch. réunies, 2 déc. 1941, Franck).
Par conséquent, il faut évoquer ces 3 éléments tour à tour :
- Le pouvoir de contrôle (A)
- Le pouvoir d’usage (B)
- Le pouvoir de direction (C)
Le pouvoir de contrôle (A)
La majeure
Une présomption de garde pèse sur le propriétaire qui peut la renverser en démontrant qu’il y a eu transfert de la garde (arrêt Franck et pour une autre illustration → Civ. 2e, 8 mai 1964).
La mineure
L’idéal aurait été, en l’espèce, d’établir que le propriétaire du bien en est le gardien pour poursuivre le raisonnement jusqu’au bout.
Il paraît néanmoins compliqué de démontrer que la victime n’avait pas les pouvoirs de contrôle, d’usage et de direction de l’instrument du dommage.
Votre cas s’achèvera donc de manière anticipée. Mais, nous pensons à votre réussite et vous proposons un véritable corrigé complet qui vous aidera pour tous vos cas pratiques en Droit de la responsabilité civile 💌.
Le pouvoir de contrôle implique la capacité à assurer le fonctionnement normal de la chose. En l’espèce la victime s’est blessée en utilisant un mixeur. Elle n’indique pas qu’il s’agissait d’un mixeur spécifique. Il s’agit d’un objet du quotidien simple d’utilisation. Il est donc évident qu’elle était en mesure d’assurer le fonctionnement normal de la chose puisqu’elle en a elle-même un qui était en panne.
La conclusion
La victime détient donc le pouvoir de contrôle sur la chose.
Le pouvoir de direction (B)
La majeure
Les éléments à y insérer sont les mêmes que ci-dessus. Vous pouvez tout à fait en faire un syllogisme unique, à condition d’être intelligible et n’oublier aucun des trois pouvoirs.
La mineure
La victime détient le pouvoir de direction lorsqu’elle peut décider de la finalité de la chose. En l’espèce la victime l’utilisait librement, sans que personne ne lui impose une finalité.
La conclusion
Ainsi, elle dispose du pouvoir de direction sur la chose.
Le pouvoir d’usage (C)
La majeure
Même chose qu’au-dessus 🤓. L’arrêt Franck est de nouveau mobilisé. Mais s’y ajoute la règle selon laquelle la garde est écartée lorsque la chose remise à un tiers l’est pour une courte durée pour un usage déterminé et dans l’intérêt personnel du propriétaire (Civ. 2e, 19 juin 2003, n° 01-17.575).
La mineure
Il s’agit de la possibilité d’utiliser la chose dans son intérêt. En l’espèce la victime utilisait le mixeur prêté, sans que rien n’indique qu’elle le faisait dans l’intérêt du propriétaire. Au contraire, elle préparait un repas pour ses amis. Il semble que l’intérêt soit purement personnel à la victime.
La conclusion
Par conséquent, elle détient le pouvoir d’usage.
Conclusion du III : Le transfert de la garde de la chose à la victime
La victime détient les trois pouvoirs. Elle s’est vue transférer la garde de la chose qui a généré son dommage.
💡Pour information, seuls un cas fortuit, la force majeure ou une cause présentant ses caractères peuvent exonérer le gardien de sa responsabilité (Cass. ch. réunies, 13 févr. 1930, Jand’heur).
La solution au problème de droit : l’impossibilité d’engager la responsabilité du propriétaire du bien
La victime qui était gardienne de la chose au moment où le dommage est survenu ne peut pas invoquer la réparation auprès de son propriétaire.
Ses préjudices ne pourront pas être indemnisés.
💡Ici, si nous avions eu à les évaluer, il faut noter que nous n’avons pas d’information sur l’état de la victime après consolidation des blessures. Cela dit, la nomenclature Dintilhac suggère de distinguer entre l’indemnisation du préjudice AVANT et APRÈS consolidation. Il s’agit d’un indice pour le juge lorsqu’il va statuer sur le montant de l’indemnisation.
⚠️ Un raisonnement reste personnel, il est donc tout à fait possible d’apporter des solutions différentes que celles énoncées dans ce corrigé, à condition de les justifier juridiquement. Vous pourriez justifier — extrêmement difficilement — que le propriétaire juridique demeurait gardien.
C’est donc sur les mineures que vous devez concentrer vos efforts, car la majorité des points y sont décernés !
Bonus : les éléments pour un plan de cas pratique en responsabilité civile
Pour pouvoir construire plus facilement votre devoir, nous vous proposons des éléments de correction supplémentaires sur la marche à suivre en Droit de la responsabilité civile, à l’instar de ce que nous avons fait de manière plus détaillée en Droit des contrats.
Objectif : avoir un raisonnement solide et ne rien oublier dans vos cas pratiques en Droit de la responsabilité civile 🤓.
Étape 1. La nature de la responsabilité civile
Il s’agit de vérifier si elle est contractuelle (art. 1231-1 C. civ.) ou extracontractuelle (art. 1240 s., C. civ.).
La responsabilité contractuelle
Elle est constituée s’il y a (art. 1231-1 C. civ.) :
- Un contrat +
- Un préjudice +
- Qui résulte (lien de causalité) +
- De l’inexécution/la mauvaise exécution de la convention.
Si ces 4 conditions sont réunies, la responsabilité engagée ne pourra être QUE contractuelle en vertu du principe de non-cumul des responsabilités (Cass. civ., 11 janv. 1922 ; Cass. civ. 2, 9 juin 1993).
⚠️ Ne vous faites pas avoir, ce n’est pas parce que le préjudice est corporel que la responsabilité ne peut pas être contractuelle. Que faites-vous de l’obligation de sécurité ? Elle peut être de moyens, ou de résultat, ce qui affecte la charge de la preuve. N’oubliez pas, donc, de vérifier !
La responsabilité extracontractuelle
Vous l’apprenez depuis la L1, elle réunit trois éléments (art. 1240 s., C. civ.) :
- Un fait générateur (faute, fait d’autrui, fait d’une chose, etc.) ;
- Un préjudice ;
- Un lien de causalité entre les 2.
Étape 2. Le fait générateur : fait personnel, d’autrui, des choses
Il peut être de différente nature selon le régime de responsabilité qui sera envisageable : fait personnel, fait de l’enfant, fait du préposé, fait des choses, accident de la circulation, produit défectueux, etc.
Pour chaque régime, il faudra prendre soin de bien détailler ses conditions, comme dans le corrigé du cas pratique ci-dessus.
Inutile de détailler tous les régimes s’il est évident qu’ils ne seront pas invoqués dans votre cas à résoudre.
Etape 3. Le lien de causalité
Parfois, il peut y avoir plusieurs régimes de responsabilité invocables à l’appui d’un seul et même dommage.
Pour déterminer le ou les responsables, il s’agira de s’intéresser au lien de causalité.
L’existence d’un lien de causalité : causalité adéquate ou équivalence des conditions
2 théories sont invocables :
- Équivalence des conditions → tous les faits qui ont concouru au dommage engagent la responsabilité de leurs auteurs
OU
- Causalité adéquate → seuls le ou les facteurs qui constituent la cause déterminante du dommage doivent être retenus.
Aucune des deux ne prime en jurisprudence. Les juges réalisent une appréciation in concreto.
Il sera de votre devoir de justifier les raisons pour lesquelles vous choisissez l’une plutôt que l’autre (favorisez toujours votre client pour lui donner le plus de chance d’être indemnisé).
La remise en cause du lien de causalité par une cause d’exonération : cause étrangère ou force majeure
Il faut s’intéresser aux possibles causes d’exonération qui permettent de faire tomber le lien de causalité :
- Absence de faute de l’auteur (uniquement fait personnel) ;
- Cause étrangère présentant les caractères de la force majeure (fait d’un tiers, faute de la victime) ;
- Force majeure (événement imprévisible, irrésistible et extérieur).
⚠️ Lorsque la responsabilité est de plein droit (cas du fait d’autrui et des choses), le responsable ne peut pas s’exonérer en démontrant qu’il n’a pas commis de faute.
Étape 4. La détermination des victimes et des préjudices
Après avoir établi la possibilité d’invoquer un régime de responsabilité, il faut déterminer qui va obtenir réparation de quoi, tout en vérifiant que les préjudices sont bel et bien indemnisables.
Les catégories de victimes : directes et indirectes
Il faut distinguer entre les victimes directes (immédiates) et les victimes indirectes (par ricochet).
Les catégories de préjudice : patrimoniaux et extrapatrimoniaux/temporaires et permanents
Il faut préciser s’ils sont
- Patrimoniaux (dépense de santé, atteinte aux biens, etc.) ou extrapatrimoniaux (préjudice corporel, moral, d’affection, esthétique, etc.) ;
- Mais également temporaires (avant consolidation des blessures, ces préjudices sont destinés à disparaître ensuite) ou permanents (après consolidation des blessures, des préjudices se poursuivent).
Vous pouvez également distinguer entre préjudices d’atteinte aux biens et d’atteinte aux personnes.
💡La nomenclature Dintilhac peut être une manière de classer les différents chefs de préjudice.
H4. Les caractères du préjudice indemnisable : certain, direct et légitime
Pour qu’un préjudice puisse être indemnisé, il doit répondre à 3 conditions :
- Certain → il doit être actuel et matérialisé ou matérialisable.
💡Il peut être futur à condition qu’il soit vraisemblable (ex. : des dépenses de santé à la suite d’une blessure générant un handicap).
La perte d’une éventualité favorable est également indemnisable si elle est actuelle et certaine (Civ. 1re, 4 juin 2007, n° 05-20.213).
En revanche, il ne doit pas être simplement hypothétique (Civ. 2e, 20 juil. 1993, n° 92-06.001) ou éventuel (Civ. 2e, 25 juin 2015, n° 14-21.972).
- Direct → il doit constituer une suite immédiate du fait générateur.
- Légitime → il ne doit pas être la conséquence d’une situation elle-même illégale (ex. : travail dissimulé).
Étape 4. Les modalités d’indemnisation
L’action en réparation : titulaire de l’action, délai de prescription
Pour pouvoir valablement intenter une action en justice, il faut être recevable à agir. Dans le cas de la responsabilité civile, le titulaire de l’action sera la victime ou ses ayants droit en cas de décès.
Quant au délai de prescription, il est de 5 ans en principe (art. 2224 C. civ.), mais de 10 ans en matière de dommage corporel (art. 2226 C. civ.).
A noter : il existe des délais spécifiques de prescription, comme en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (art. 1245-16 C. civ.).
En matière contractuelle : la réparation du préjudice prévu ou prévisible
En matière contractuelle, l’indemnisation se limite au préjudice prévu ou prévisible, sauf si l’auteur a commis une faute lourde ou dolosive (art. 1231-3 C. civ.).
En matière extracontractuelle : la réparation intégrale du préjudice
La responsabilité extracontractuelle impose la réparation intégrale du préjudice (Civ. 2e, 28 oct. 1954).
Elle peut se faire en nature pour par équivalent. Cette dernière est la plus courante. Il s’agit du versement d’une somme d’argent (en capital → somme forfaitaire ou en rente → revenu périodique).
Juge libre de choisir entre capital ou rente (Cass. crim., 25 février 1928).
La date d’évaluation du préjudice est fixée au jour où le juge statue et non au jour du préjudice (Cass. req. 24 mars 1962).
La charge de la réparation en cas de pluralité d’auteurs : contribution et obligation à la dette
Il faudra évoquer l’obligation à la dette (rapports entre la victime et ses débiteurs) et la contribution à la dette (rapports entre co-débiteur), pour déterminer sur qui pèse en définitive la charge de la réparation.
Vous pourrez constater que le corrigé du cas pratique n’est pas construit sous la forme du plan ci-dessous, mais tous les éléments s’y retrouvent. L’objectif était de vous démontrer qu’il n’y a pas de plan type, mais que tous ces ingrédients doivent s’y retrouver.
Grâce à ce corrigé de cas pratique en Droit de la responsabilité civile, vous allez pouvoir tout donner aux partiels 🫶.
Pour aller plus loin…