L’article 1240 du Code civil est sans doute l’un des plus grands articles du Code civil. Il consacre et pose le principe de la responsabilité civile extracontractuelle (délictuelle) de droit commun. Pour autant, les règles relatives à ce régime de responsabilité civile ne sont pas tout le temps faciles à comprendre.

Dans cet article, nous allons reprendre ensemble tout ce qu’il faut savoir à propos de ce que l’on appelle la “responsabilité pour faute“. 

L’article 1240 du Code civil – Explication

Le principe de responsabilité pour faute – aussi appelé responsabilité du fait personnel – signifie que celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui doit réparer les conséquences de son acte. 

Autrement dit, si je fais quelque chose de mal à autrui (et que je ne suis lié par aucun contrat avec lui), je dois réparer le dommage que j’ai causé. 

Ce principe de responsabilité pour faute est posée par un article que tout étudiant en droit doit connaître : l’article 1240 du Code civil (à force de le lire et de l’apprendre, je le connais par coeur haha). Toutefois, il ne faut pas oublier que l’article 1241 du Code civil, relatif aux fautes d’imprudence et de négligence, est lui aussi important en la matière. 

Pour bien distinguer ces 2 articles, voilà ce qu’il faut retenir :

  • L’article 1240 du Code civil pose le mécanisme général de responsabilité civile extracontractuelle en évoquant le concept de faute (“par la faute duquel…”), de dommage (“qui cause à autrui un dommage”) et – indirectement – de lien de causalité (“qui cause…”).

Article 1240 du Code civil : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 

  • L’article 1241 du Code civil, qui vient juste après, précise qu’une négligence ou une imprudence peuvent aussi impliquer l’engagement de la responsabilité civile d’une personne. 

Article 1241 du Code civil : “Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.”

Le conseil de l’enseignant : si vous avez un cas pratique sur le droit de la responsabilité (ce qui est fort probable en L2 droit), vous devez consulter la jurisprudence qui se trouve sous l’article 1240 du Code civil. Cependant, n’oubliez pas non plus de regarder les décisions de jurisprudence qui se situent sous l’article 1241 du Code civil. D’ailleurs, c’est sous cet article que l’on trouve le plus de décisions !

La responsabilité pour faute : une responsabilité subjective

La responsabilité pour faute est ce que l’on appelle une responsabilité subjective. 

Concrètement, cela veut dire que, pour engager la responsabilité d’une personne, il faut prouver une faute de cette personne. Il faut prouver une faute du “sujet” (= c’est pour cela que l’on parle de responsabilité “subjective”). 

À noter : d’ailleurs, précisons-le, en droit de la responsabilité civile, on oppose la responsabilité subjective à la responsabilité objective. Dans un système de responsabilité objective, il n’y a pas besoin de prouver la faute. Par exemple, dans le cadre de la responsabilité du fait des choses, le simple fait d’une chose, que le gardien soit fautif ou pas, est susceptible d’engager la responsabilité civile du gardien de la chose. De la même manière, dans la responsabilité du fait d’autrui, il n’y a pas besoin de démontrer une faute. Par conséquent, il faut bien distinguer la responsabilité subjective, qui suppose la démonstration d’une faute, et la responsabilité objective, qui ne suppose pas la preuve d’une faute.

Les conditions de la responsabilité pour faute

Si la victime du dommage souhaite obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité civile pour faute (article 1240 et 1241), elle doit apporter la preuve de 3 éléments :

  • Une faute : la victime doit prouver que l’auteur du dommage a commis une “faute” au sens juridique
  • Un dommage : la victime doit démontrer qu’elle a subi un dommage en raison de la faute de l’auteur du dommage
  • Un lien de causalité : la victime doit apporter la preuve que le dommage subi est dû à la faute commise par l’auteur du dommage. 

Si ces 3 conditions sont réunies, la victime du dommage peut alors demander réparation de son préjudice auprès du juge. La réparation interviendra alors sous forme de dommages-intérêts, que l’auteur du dommage doit verser à la victime. 

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La notion de faute en droit de la responsabilité civile

Pour engager la responsabilité d’un individu sur le fondement de la responsabilité du fait personnel (article 1240 et 1241 du Code civil), il faut prouver qu’il a commis une faute (peu importe que la faute soit grave ou pas).

La plus célèbre des définitions est celle de Marcel Planiol (auteur du XVIIIe-XIXe siècle) : pour lui, la faute, c’est la violation d’une obligation préexistante. Autrement dit, la faute, c’est une défaillance, une erreur de conduite. 

Le conseil de l’enseignant : attention à ne pas confondre Marcel Planiol avec “Marcel Pagnol”. Disons que ce n’est pas la même thématique…

Une faute volontaire (article 1240) ou d’imprudence (article 1241)

Dans le cadre de la responsabilité du fait personnel, le fait générateur est la faute.

  • Il peut s’agir d’une faute volontaire (article 1240 du Code civil) : c’est ce que l’on appelle un “délit civil”.
  • Il peut s’agir d’une faute d’imprudence ou de négligence (art. 1241 du Code civil) : c’est ce que l’on appelle un “quasi-délit civil”.

Une faute de commission ou une faute d’omission

Il peut s’agir d’une faute de commission : la personne responsable a réalisé un acte positif, elle a agi (elle a commis) contrairement à la loi. Concrètement, un individu a fait un truc qu’il n’aurait pas dû faire.

Exemple : un accident de la circulation ou des coups sont des actes positifs.

Question : une omission/une abstention (un silence par exemple) est-elle une « faute » ? 

Ici, on est dans le cas où l’individu n’a rien fait alors qu’il aurait dû agir. 

Pendant un certain temps, la doctrine était réticente pour admettre les fautes d’abstention. Cependant, la Cour de cassation, dans l’arrêt « Branly » de 1951, considère qu’une omission ou une abstention peut être constitutive d’une faute (Civ. 1re 27 fév. 1951, arrêt « Branly »).

Dans cette affaire, il s’agit d’un professeur (Turpain) qui conteste les travaux d’Edouard Branly. Dans l’un de ses articles, le professeur Turpain s’abstient de mentionner le nom d’Edouard Branly comme ayant joué un rôle dans l’invention de la télégraphie sans fil (TSF). Édouard Branly décède par la suite. Les héritiers de Branly assignent Turpain sur le fondement de la responsabilité pour faute (anciens articles 1382 et 1383 du Code civil). La cour d’appel considère que le silence du professeur était ici fautif. Le professeur Turpain forme un pourvoi en cassation. La Cour de cassation rejette le pourvoi : « la faute prévue par les articles 1382 et 1383 peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif ».

responsabilité civile délictuelle

L’appréciation de la faute 

Question : comment s’apprécie la faute de l’auteur du dommage ? À quel modèle de comportement faut-il se référer pour apprécier la faute ? 

En principe, pour déterminer si l’auteur d’un dommage a commis une faute, les juges utilisent généralement l’appréciation in abstracto.

La méthode d’appréciation in abstracto (abstraite) désigne la méthode par laquelle la faute s’apprécie de façon abstraite et objective, par rapport au modèle d’une personne raisonnable (le modèle du bon père de famille), un individu « moyen ».

Autrement dit, ici, on ne va pas prendre en compte les circonstances dans lesquelles la faute a été commise, on ne va pas prendre en compte les aptitudes de la personne mise en cause (âge, état de santé…)

On va simplement se demander si, dans cette même situation, une personne raisonnable aurait eu le même comportement. 

  • Si la personne raisonnable aurait eu le même comportement, il n’y a pas de faute.
  • Si la personne raisonnable n’aurait pas eu le même comportement, il y a une faute. 

L’imputabilité de la faute

Question : pour engager la responsabilité pour faute d’un individu, faut-il prouver que celui-ci ait eu la conscience de la portée de ses actes au moment du dommage ? Le discernement est-il une condition de la responsabilité pour faute ?  

C’est la question de l’imputabilité de la faute.

À l’origine, en 1804, pour engager la responsabilité pour faute d’un individu, il fallait prouver que cet individu soit pourvu d’un discernement suffisant. On considérait ainsi que la faute était composée d’un élément moral. Autrement dit, si l’individu ne pouvait pas avoir conscience de la portée de ses actes, sa responsabilité ne pouvait pas être engagée. 

À noter : la loi posait donc l’exigence d’une faute « subjective ». Selon cette conception, pour que la faute soit caractérisée, il faut que le sujet ait conscience de la portée de ses actes.

En 1804, le discernement (l’imputabilité de la faute) est donc une condition de la responsabilité civile. Cela veut donc dire que, en 1804, les aliénés mentaux (personnes atteintes d’un trouble mental) et les enfants en bas âge (les « infans ») ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée car ils ne sont pas doués de discernement. 

Exemple : à cette époque, si un enfant de 3 ans commettait un dommage, il n’était pas possible d’obtenir une indemnisation dans la mesure où l’enfant était dépourvu de discernement.

Le problème est donc que la victime d’un dommage causé par un infans ou un aliéné mental ne pouvait pas obtenir réparation. C’est pourquoi, dans le but de faciliter l’indemnisation des victimes, les règles ont évolué. Aujourd’hui, le discernement n’est plus une condition de la responsabilité civile. Cela se vérifie à travers 2 thématiques :

  • Les aliénés mentaux
  • Les enfants en bas âge (infans)

À noter : on est donc passé à un système de faute « objective » : il n’est pas nécessaire de prouver le discernement de l’auteur des faits (du “sujet”) pour que sa responsabilité puisse être engagée.

article 1240 du Code civil

La responsabilité des aliénés mentaux

La loi du 2 janvier 1968 abandonne l’exigence d’imputabilité de la faute en introduisant un nouvel article dans le Code civil (à l’origine, c’était l’article 489-2, aujourd’hui, c’est l’article 414-3 du Code civil). 

Article 414-3 du Code civil : “Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation.”

Par conséquent, cela veut dire que, même si celui qui cause un dommage à autrui est atteint d’un trouble mental, sa responsabilité civile peut malgré tout être engagée.

Il n’y a pas besoin de prouver que la faute lui soit imputable : il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il avait conscience de la portée de ses actes au moment du dommage.

La responsabilité de l’infant (enfant en bas âge)

L’exigence du discernement a ensuite été abandonnée concernant les enfants en bas âge, c’est-à-dire les enfants non pourvus d’un discernement (les « infans »). Ici, c’est la jurisprudence (et non la loi) qui est à l’origine de cet abandon. 

Dans plusieurs arrêts rendus en 1984, la Cour de cassation précise que, pour engager la responsabilité civile d’un mineur, il n’y a pas besoin de démontrer que le mineur est capable de discernement au moment de l’acte (Ass. plén. 9 mai 1984, arrêts « Derguini » et « Lemaire »). Il n’y a pas besoin de prouver que la faute lui soit imputable ! 

La particularité de ces 2 affaires, c’est que la faute de l’enfant est envisagée comme une cause d’exonération de la responsabilité de l’auteur du dommage. Autrement dit, dans ces 2 affaires, la question de la faute (et donc de l’imputabilité) se posait parce que l’auteur du dommage souhaitait opposer la faute de l’enfant pour s’exonérer de sa responsabilité.

En conséquence, même si l’on n’est pas conscient de la portée de ses actes, on peut commettre une faute d’un point de vue civil et ainsi voir notre responsabilité civile engagée. Désormais, la faute exigée pour engager la responsabilité civile est une faute « objective »

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