Lorsque l’on fait du droit, il est important de savoir raisonner comme un juriste. Pour cela, il est indispensable de retranscrire une situation de fait en des termes juridiques. C’est ce que l’on appelle l’opération de “qualification juridique des faits.”

Sur le papier, qualifier juridiquement des faits, cela paraît simple. Pour autant, ce n’est pas tout à fait le cas. Vous avez peut-être d’ailleurs les plus grandes difficultés à qualifier des faits en droit.

Grâce à cet article, vous allez (enfin) comprendre comment qualifier juridiquement les faits grâce aux explications de Jurixio, enseignant en droit à l’Université.

Pourquoi la qualification juridique des faits ?

L’un des premières choses que vous devez apprendre à faire si vous faites du droit, c’est de qualifier juridiquement les faits d’une situation donnée. Mais pourquoi ? Pourquoi la qualification juridique est-elle si importante ? 

Pour 2 raisons :

  • Pour raisonner comme un juriste 
  • Pour réussir les exercices juridiques (cas pratique…)

Raison n°1 : pour raisonner comme un juriste

Le droit est un univers avec ses propres codes, ses propres expressions et surtout… avec ses propres mots ! En droit, chaque mot a un sens. Et se tromper sur le sens d’un terme pourrait s’avérer rédhibitoire. C’est pourquoi vous devez utiliser chaque terme juridique au bon moment. 

Par exemple, dans le langage courant, lorsque l’on parle du “conjoint”, on fait généralement référence à la personne avec laquelle on vit. On utilise le terme de “conjoint” que l’on soit marié, lié par un PACS ou simplement en couple avec quelqu’un. Si vous voulez raisonner comme un juriste, il va cependant falloir être beaucoup plus précis. Dans le langage juridique, le “conjoint” est synonyme d’époux. Autrement dit, c’est la personne avec laquelle vous êtes marié(e). Rien d’autre. On ne peut pas utiliser le terme de “conjoint” pour désigner la personne avec laquelle on est simplement en concubinage (ou lié par un PACS). Je suis sûr que maintenant vous ferez plus attention en utilisant ce terme

Quelles sont les conséquences d’une mauvaise utilisation d’un terme juridique ? 

Cela peut être grave. Imaginez. Vous devez effectuer une formalité administrative.  Le personnel de l’administration vous demande quel est votre “statut matrimonial”. Vous indiquez que vous êtes “conjoint” alors qu’en réalité vous n’êtes pas marié. Spontanément, celui qui s’occupe de votre dossier va vous appliquer les règles du mariage alors que vous n’y êtes pas soumis (ce qui peut entraîner de grosses difficultés par la suite). 

Vous l’avez donc compris, utilisez les bons termes au bon moment, c’est la clé ! 

qualification juridique des faits

Raison 2 : pour réussir les exercices juridiques 

Pour réaliser certains exercices juridiques, vous devez savoir effectuer une qualification juridique des faits. Si vous ne savez pas qualifier une situation de faits, vous pouvez perdre des points précieux. Ce serait bête, non ?

En effet, dans la méthodologie du cas pratique, il vous est généralement demandé de qualifier juridiquement les faits de l’énoncé avant de résoudre le cas par la suite. 

De la même manière, dans la méthode de la fiche d’arrêt, certains professeurs exigent que vous réalisiez une qualification juridique des faits. Concrètement, ils peuvent vous demander de ne pas mettre de “M. X” ni de “société Carrefour” mais plutôt de parler d’un “vendeur”, d’un “époux”, d’un “locataire”, etc. 

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La qualification juridique des faits – Définition

Qu’est-ce que la qualification juridique des faits ?

La qualification juridique des faits une opération intellectuelle que vous devez maîtriser si vous voulez réussir votre examen de droit. 

Si l’on doit donner une définition, on peut dire que c’est une forme de raisonnement qui consiste à transcrire des faits dans un langage juridique. Autrement dit, la qualification juridique, c’est de passer des faits au droit.

Concrètement, vous avez une situation de fait qui s’est produite. A partir de là, vous devez faire rentrer les faits de votre affaire dans une ou plusieurs catégories juridiques

Quelle conséquence de la qualification juridique des faits ? 

Cette opération est primordiale car elle va ensuite permettre de déterminer le régime juridique applicable à la situation de fait que vous avez devant vous. 

Par exemple, si vous dites que les 2 personnages de votre cas pratique sont mariés, cela veut dire que ce sont les règles du mariage qui vont devoir s’appliquer. Les époux devront respecter l’obligation de fidélité, d’assistance, de secours… En revanche, si vous considérez que les personnages de votre cas sont simplement concubins, les conséquences ne sont pas les mêmes. A titre d’exemple, les concubins ne sont pas soumis à l’obligation de fidélité. Vous le constatez : les conséquences peuvent être lourdes !

Comme vous le voyez, l’opération de qualification juridique des faits est cardinale car elle influe directement sur la suite de votre raisonnement (que ce soit dans un cas pratique ou une fiche d’arrêt).

Pour illustrer la qualification juridique, nous allons prendre plusieurs exemples.

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La qualification juridique – Exemple n°1

  • ÉNONCÉ

L’exercice est le suivant : Qualifiez juridiquement les faits suivants : « Le téléphone a changé de main »

Dans cette hypothèse, il faut donc faire rentrer ces faits dans des catégories juridiques. La question va donc être ici de savoir quelle opération a été conclue. En fonction de la réponse qui sera apportée, ce sera tel ou tel régime juridique s’appliquera. 

  • LES QUALIFICATIONS ENVISAGEABLES

Pour cet énoncé, il est possible de retenir plusieurs qualifications possibles :

➡️ « Un contrat de vente a été conclu ». 

Avec l’énonce que l’on a sous les yeux, il est tout d’abord possible de considérer que l’on nous parle d’une vente. Si je vends mon téléphone à quelqu’un, on peut très bien dire que le téléphone a changé de main.

➡️ « Un contrat de prêt a été conclu ». 

Il peut aussi s’agir d’un prêt. Si je prête mon téléphone à quelqu’un, on peut très bien dire que le téléphone a changé de main. 

➡️ « Un contrat de donation a été conclu »

L’énoncé peut aussi envisager une donation (un don). Lorsque je donne mon téléphone à quelqu’un, on peut aussi dire que le téléphone a changé de main. 

➡️ « Une personne a reçu un téléphone par succession »

Au regard de l’énoncé, il peut aussi s’agir d’une succession (d’un héritage). Si une personne hérite d’un téléphone d’un membre de sa famille, là aussi on peut dire que le téléphone a changé de main.

➡️ « Un vol de téléphone a été commis »

Il peut enfin s’agir d’un vol qui a été commis. Si une personne vole le téléphone d’autrui, on peut aussi dire que le téléphone a changé de main.

  • QUELLE OPÉRATION A ÉTÉ CONCLUE DANS NOTRE CAS ?

Toutes les hypothèses visées ci-dessus peuvent être envisagées car l‘énoncé est relativement vague. On nous dit simplement qu’un téléphone “a changé de main“. 

Le choix pour une qualification plutôt qu’une autre peut avoir de lourdes conséquences. 

  • Si l’on estime qu’il s’agit plutôt d’un prêt plutôt qu’une vente, les effets ne seront pas les mêmes. Le prêt implique une obligation de restituer la chose alors que dans la vente le transfert de la chose est définitif.
  • De la même manière, si je donne un téléphone, je n’attends rien en retour. En revanche, si je vends un téléphone, j’attends que mon acheteur paie le prix. S’il ne le fait pas, je peux le contraindre judiciairement à le faire.

La qualification juridique – Exemple n°2

Qualifiez juridiquement les faits suivants : « Le 15 septembre 2020, Anna et Laurent, qui vivent en couple, se sont dit « oui » devant le maire. »

S’agit-il d’un mariage ? D’un PACS ? D’un concubinage ? 

Dans ce cas, il s’agit d’un mariage car plusieurs éléments nous le laissent penser: 

  • Anna et Laurent forment un “couple“. 
  • Ils se sont dit « oui » devant le maire, ce qui rappelle la célébration du mariage avec l’échange des consentements. Il n’y a pas de telle célébration pour le PACS (et encore moins pour le concubinage…).

Par conséquent, voilà la qualification juridique exacte : « Le 15 septembre 2020, un mariage a été conclu entre un homme et une femme ». 

Dire qu’il s’agit ici d’un mariage (et non d’un PACS ou d’un concubinage) est très important. En effet, les personnes mariées sont tenues de respecter les devoirs et obligations du mariage, avec notamment l’obligation de fidélité. Une telle obligation ne pèse pas sur les partenaires pacsés, ni sur les concubins. 

Par conséquent, si un époux (ou une épouse) est infidèle, les sanctions seront plus lourdes que pour le PACS ou le concubinage.

La qualification juridique des faits – Exercice corrigé

L’énoncé

Qualifiez juridiquement les faits suivants : “Nicolas a transféré son téléphone à Jean, moyennant le paiement de 500€”.

Correction

La question qui se pose ici est de déterminer quelle est l’opération qui a été réalisée entre Nicolas et Jean. En fonction de la réponse que vous allez apporter, ce ne sont pas les mêmes règles qui vont s’appliquer. En effet, si vous considérez que c’est un prêt qui a été conclu, vous devrez appliquer les règles du contrat de prêt. Idem pour les autres types de contrat.

Au regard des faits, il semblerait qu’il s’agisse d’une “vente”. Pour quelle raison ? 
> Tout d’abord, on nous dit que “Nicolas a “transféré” son téléphone, ce qui fait référence aux contrats qui entraînent un transfert de propriété d’une chose (dont la vente fait partie).
> Surtout, on nous dit que, en contrepartie du transfert du téléphone, Jean a payé 500€, ce qui fait référence au prix dans le contrat de vente. 

Pour ces raisons, nous pouvons plutôt partir sur la qualification juridique suivante : “Un contrat de vente a été conclu entre 2 hommes”. Par la suite, on parlera alors d’un “vendeur” et d’un “acheteur”.

Conclusion

La qualification juridique des faits est donc une opération essentielle. Elle entraîne l’application d’un régime juridique particulier. 

Si dans votre cas pratique vous ratez cette opération, c’est tout le reste de votre exercice qui peut être remis en cause. Alors, entraînez-vous bien à qualifier juridiquement les faits ! 

En attendant, bon courage pour la suite ! 

Jurixio
Enseignant en droit à l’Université catholique de Lyon

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