L’article 9 du Code civil est incontestablement l’un des articles les plus importants de notre Code civil français. Il consacre l’un des principes fondamentaux les plus importants à l’ère numérique : le droit au respect de la vie privée. 

Grâce à cet article, vous comprendrez beaucoup mieux ce qu’il faut entendre par “vie privée”, quelles sont les limites de la protection et enfin quels sont les risques en cas de violation de la vie privée.

La protection de la vie privée – Les principes

Le droit au respect de la vie privée est protégé par l’article 9 du Code civil qui proclame : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. » Ainsi, en application de la règle énoncée à cet article, toute personne peut donc s’opposer à ce que quelqu’un s’immisce dans sa vie privée.

Le droit au respect de la vie privée n’a pas qu’une simple valeur de loi.  

  • Il a aussi une valeur constitutionnelle depuis la décision du 23 juillet 1999 du Conseil constitutionnel

Déc. n°99-416 DC du 23 juillet 1999, “Loi portant création d’une couverture maladie universelle” : “Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée (…)

  • Il a également une valeur internationale puisqu’il est consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Art. 8 Conv. EDH : “Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.”

La notion de vie privée

La notion de vie privée n’est pas définie par la loi. Autrement dit, le Code civil ne dit pas si tel ou tel élément fait partie de la vie privée. 

Dès lors, dans le silence de la loi, c’est la jurisprudence qui a indiqué les différents éléments qui font partie de la vie privée :

  • Le domicile (Civ. 2e 5 juin 2003)
  • La vie sentimentale (Civ. 1re 6 oct. 1998)
  • La parenté, la maternité (Civ. 2e 5 janv. 1983)
  • Le numéro de téléphone (CA Paris 15 mai 1970)
  • Le numéro de sécurité sociale (Civ. 1re 9 déc. 2003)
  • La voix (CA Pau 22 janv. 2001)
  • L’état de santé (CA Paris 9 juin. 1980)
  • Les correspondances (art. 8 Conv. EDH) 
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Exemple : la révélation dans la presse de l’endroit où vit une personne (domicile) est une atteinte à la vie privée. La personne victime d’une telle atteinte peut demander réparation à l’auteur de la divulgation.

Le conseil de l’enseignant : dans votre cas pratique, n’oubliez pas de vous fonder sur la jurisprudence pour évoquer les éléments qui font partie de la vie privée. 

Les limites à la protection de la vie privée

Dans certaines hypothèses, il y aura bien une atteinte à la vie privée mais cette atteinte sera justifiée. C’est ce que l’on appelle les « limites » à la protection de la vie privée. Dans ce cas, on considère qu’il y a certes une atteinte à la vie privée mais qu’il n’y a pas de “violation” de la vie privée.

Le consentement de la personne

Tout d’abord, l’atteinte est justifiée si l’individu donne son consentement pour la communication de l’information relative à sa vie privée.

Exemple : lors d’une interview, une célébrité consent à dévoiler l’existence de sa paternité. Dans ce cas, il y a bien une “atteinte” à la vie privée. Cependant, le consentement de l’intéressé vient justifier cette atteinte. Il n’y a donc pas de violation de la vie privée.


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Le droit à l’information du public

Ensuite, l’atteinte peut également être justifiée au nom du droit à l’information du public. Cela concerne principalement les personnes célèbres. 

Certes, comme toute autre personne, elles ont le droit au respect de leur vie privée. Cependant, parfois, la diffusion de certaines informations les concernant peut justifier une atteinte à la vie privée au nom du droit à l’information du public.

C’est ce que rappelle la Cour de cassation (qui se fonde en cela sur la jurisprudence de la Cour EDH) : “Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France [GC], n° 40454/07, § 102 et 103) que, pour vérifier qu’une publication portant sur la vie privée d’autrui ne tend pas uniquement à satisfaire la curiosité d’un certain lectorat, mais constitue également une information d’importance générale, il faut apprécier la totalité de la publication et rechercher si celle-ci, prise dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit, se rapporte à une question d’intérêt général ; qu’ont trait à l’intérêt général les questions qui touchent le public dans une mesure telle qu’il peut légitimement s’y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu’elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité ” (Civ. 1re 1er mars 2017, n°15-22.946).

Dans cette hypothèse, 2 droits fondamentaux entrent en conflit :

– D’un côté, le droit au respect de la vie privée

– De l’autre côté, la liberté d’expression et le droit à l’information

En fonction des circonstances, le juge fera prévaloir un intérêt plutôt que l’autre. Tout dépend des situations. C’est le juge qui décide.

Exemple : le fait de révéler qu’un homme politique est un franc-maçon est certes une atteinte à la vie privée. Cependant, cette atteinte est justifiée par le droit à l’information du public (Civ. 1re 24 oct. 2006, n° 04-16.706).

Voilà ce que rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt : “Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait observé que le contexte général de la publication était la mise au jour, légitime dans une société démocratique, de réseaux d’influence, et que l’appartenance à la franc-maçonnerie suppose un engagement, de sorte que la révélation litigieuse, qui s’inscrivait dans le contexte d’une actualité judiciaire, 
était justifiée par l’information du public sur un débat d’intérêt général, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et par suite a violé les textes susvisés (…).” 

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En cas de violation du droit au respect de la vie privée, il peut y avoir 2 types de sanctions :

  • Des sanctions civiles
  • Des sanctions pénales

Les sanctions civiles

Tout d’abord, celui qui porte atteinte à la vie privée d’autrui peut être condamné à réparer le préjudice subi par la victime. Concrètement, il va être condamné à verser des dommages-intérêts.

D’autres sanctions sont toutefois prévues par l’article 9 alinéa 2 du Code civil. En effet, le juge peut prononcer des mesures destinées « à faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ».

Il s’agit principalement de mesures préventives, qui ont pour but d’éviter l’atteinte à la vie privée.

Exemple : pour empêcher leur distribution, le juge va prononcer la saisie des magazines. Il peut en outre demander à ce que ces magazines soient déposés entre les mains d’un tiers (c’est ce qu’on appelle un séquestre) pour qu’il les conserve et les restitue éventuellement. 

Ces différentes mesures peuvent être ordonnées en référé. Cela veut dire qu’une personne peut, devant l’urgence de la situation, saisir le juge des référés (le juge qui statue dans l’urgence) pour qu’il prononce des mesures rapidement (avant que l’atteinte ne soit réalisée).  

Enfin, le juge peut demander également la publication d’un encart dans le journal/magazine en indiquant que la société a été condamnée pour violation de la vie privée. 

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  • Les sanctions pénales

Quant aux sanctions pénales, elles peuvent aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 45 000€ d’amende (art. 226-1 du Code pénal).

Cependant, pour qu’il y ait une condamnation, il faut que la situation concernée soit celle de l’une des 3 hypothèses mentionnées à l’article 226-1 C. pén.

Art. 226-1 C. pén. : “Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
3° En captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d’une personne sans le consentement de celle-ci.”

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