Les résultats d’admissibilité au CRFPA sont récemment tombés. C’est l’occasion pour moi de revenir dans cet article sur ma (douloureuse) expérience ratée du grand Oral du CRFPA.
Classiquement, pour devenir avocat, vous devez réussir un examen d’entrée : l’examen d’entrée au CRFPA (Centre Régional de Formation Professionnelle des Avocats). L’examen a été modifié en 2016. Sont concernés par ces modifications les candidats se présentant à l’examen en 2017. Or, pour mon cas, je l’ai passé en septembre-novembre 2016, soit avant la réforme.
Avant la réforme, comment cela se passait-il ? Vous deviez passer des épreuves d’admissibilité (des écrits) où vous deviez avoir la moyenne générale pour pouvoir prétendre être admissible. Si vous étiez considérés comme admissibles, vous deviez alors vous présenter à des épreuves orales : plusieurs petits oraux de 20 minutes et le fameux Grand Oral pendant 30 minutes devant un jury de 3 personnes.
Avec la réforme, les choses ont changé. Certes, les épreuves d’admissibilité sont toujours des écrits. Cependant, si vous êtes admissible, vous devez passer uniquement 2 épreuves orales : un oral d’anglais et le Grand Oral (pendant 45 minutes tout de même).
L’épreuve du Grand Oral est l’épreuve reine du CRFPA. Un sujet vous est donné et vous devez composer pendant 1 heure sur ce sujet et le présenter ensuite oralement devant un jury composé de 3 personnes : un professeur, un magistrat et un avocat. L’épreuve durait 30 minutes (avant la réforme) et va durer maintenant 45 minutes.
A travers ces quelques lignes, je vais donc vous faire partager mon expérience ratée de ce grand Oral, qui m’a empêché de réussir l’examen.
“Je suis donc devant la salle. J’attends. Je suis stressé.”
Je suis convoqué au début du mois de novembre pour cette épreuve du Grand Oral. Je dois me rendre devant une salle, au sein de laquelle je composerai sur un sujet. Puis, un des examinateurs viendrait me chercher pour que je puisse passer mon épreuve orale.
Je suis relativement nerveux, je ne suis pas très habitué de ce genre d’épreuve. Je travaille sans cesse mon expression orale car je sais qu’elle est pour moi un grand défaut. Pour autant, d’un autre côté, je suis relativement confiant, j’ai bien travaillé toutes mes thématiques sur les droits fondamentaux : droit à la vie, QPC, liberté d’expression, burqini… J’ai passé au crible toute l’actualité. D’autant que je me suis entrainé à plusieurs fois reprises sur des sujets tels que “la circonscision”, “la déjudiciarisation du droit de la famille” ou encore sur “Liberté d’expression sur les réseaux sociaux.” Et ça s’était bien passé !
Je me dis donc que, quoi qu’il arrive, peu importe mon sujet, je trouverai de quoi parler pendant 15 minutes (l’épreuve du Grand Oral se divisant en 2 parties : un exposé de 15 minutes et des réponses aux questions pendant 15 minutes).
Je suis donc devant la salle. J’attends. Je suis stressé. Ici, se joue mon avenir. L’heure est arrivée. Les surveillants nous indiquent que nous devons rentrer dans la salle pour préparer le fameux sujet.
Si je me souviens bien, nous sommes 3 à rentrer dans la salle. Un de nous 3 doit choisir parmi plusieurs enveloppes, dans lesquels sont contenus les sujets. L’une des candidates sélectionne par conséquent l’une des enveloppes. L’ouvre. Et là…
L’impensable. L’inimiginable. Le pire arriva. Un sujet que je ne gérais absolument pas et qui ne m’inspirait – absolument pas, mais alors pas du tout – confiance.
“L’AVOCAT ET LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ”
J’ai envie de pleurer. Ou de rire de nervosité. Mais sinon, c’est vrai que le sentiment qui prédominait était que j’avais vraiment envie de chialer. J’étais – pour ainsi dire – “au bout de ma vie”. J’ai travaillé avec acharnement, abnégation et ambition les grandes thématiques des droits fondamentaux pour tomber sur un sujet de ce genre de sujet. Impensable. Tellement imprévisible que c’était prévisible !
Il me suffit quelques secondes pour comprendre que le sujet était un vrai sujet de déontologie (et j’allais encore plus le découvrir devant le jury). De la déontologie pour un oral de … “Droits fondamentaux”. Improbable.
Alors certes, après-coup, on se dit que pour un examen d’entrée à l’Ecole des Avocats, c’est bien de connaître les principes déontologies. Le problème, c’est que je ne me le suis dit qu’après-coup…
Bref, j’essaie de ne pas me démonter et de me raccrocher à des droits fondamentaux. Je parle des principes directeurs des procès, de loyauté de la preuve, de filature… Mais, je ne suis tellement pas convaincu, tellement pas content, tellement pas satisfait de moi. Je sais que ça va se jouer à pas grand chose.
D’autant que je ne connais pas mes notes des épreuves écrites d’admissibilité. Je suis donc dans l’incertitude. J’essaie de tout donner quand même.
“Ce qui me fait peur, c’est deux choses : mon sujet et les examinateurs.”
L’heure s’achève. Je ne suis pas fier de moi. J’ai très peur et j’angoisse terriblement. Je ne gère pas du tout le sujet. Je ne l’ai même pas révisé. Je sens que ça va mal se passer.
L’un des examinateurs vient me chercher. Je monte les escaliers pour parvenir à la salle, où des étudiants étaient venus écouter les candidats. Pour voir à quoi s’en tenir. La salle est pleine. Les étudiants sont venus en masse. Ce n’est pas ce qui me fait peur l’expression en public.
Ce qui me fait peur, ce sont deux choses : mon sujet et les examinateurs.
Je commence à parler, j’essaie de rendre mon exposé clair, simple. C’est loin d’être évident lorsque l’on a une mauvaise connaissance du sujet. Pour autant, j’essaie.
Je termine mon exposé. J’ai tenu 10 minutes. Encore une bonne raison de ne pas être content de moi. Bref.
Viennent les questions du jury. Et là, c’est la descente aux enfers. Le jury abonde de questions sur la vérité en droit, sur le rôle de l’avocat dans cette production de la vérité. J’essaie d’y répondre. Sans grande conviction. Le jury le sent et continue de me poser des questions, auxquelles je n’ai que de partielles réponses.
C’est long 20 minutes. Très long. Interminable. Je me suis dit qu’ils allaient me poser des questions sur la raison qui me motive à devenir avocat ou encore sur une actualité récente. Il n’en a rien été. Toujours et encore sur le même sujet…
Je me souviens même très bien de cette dernière question qui m’a été posé : “La liberté d’expression d’avocat s’applique-t-elle dans la salle des Pas Perdus ?” Je n’en savais rien. Nada. Nothing. Ma tête est officiellement coupée.
Je quitte la salle – tout en restant courtois – sur cette triste et faible note. Pourtant, au sortir de la salle, la déception, elle, est immense. Considérable. Terrible. Profonde.
Je suis irréconciliable. Je n’aurais pas mon examen. Je le savais en sortant.
Après avoir digéré ce “raté”, je suis allé boire un verre, posément. Pour oublier peut-être. Ou pour me rassurer, et me dire que j’ai cartonné aux écrits, et que ça compensera.
Les résultats arrivent quelques jours après. La liste des admis est diffusée. Et ce qui n’était qu’un “raté” se confirme bien être un “échec”. Je n’ai pas eu l’examen d’entrée au CRFPA. Je le savais. Evidemment, immense déception. Bla. Bla. Bla…
Quelques semaines plus tard, je reçois le relevé de notes. J’ai eu 3 au Grand Oral. Oui, 3. Je ne pensais pas que c’était possible d’avoir une telle note. Pourtant, je l’ai bien eu.
Mes notes des écrits avoisinent les 12,5. Pas si mal. Les petits oraux se sont tantôt bien déroulés, tantôt pas si bien… Mais, ce qui m’a le plus choqué est donc ce 3. Comment est-ce possible ? L’incompréhension. Je n’ai jamais eu une telle note au cours de mes études de droit.
Surtout, je calcule mes différentes moyennes. Un 4 m’aurait permis d’avoir l’examen. Oui, un 4 ! Et j’ai eu 3. Bref. Je ne devais pas l’avoir. C’était un signe du destin. C’était écrit.
…
Et c’est tant mieux. Aujourd’hui, je suis tellement passionné par ce que je fais. Être chargé de TD à la fac est tellement génial. Je suis épanoui. J’adore mon sujet de thèse. Et j’adore faire ce que je fais sur YouTube.
Bref, en un mot : Il vaut mieux parfois reculer pour mieux sauter.