Le commissaire de justice est une nouvelle profession du monde juridique depuis le 1er juillet 2022. Né de la fusion de l’huissier de justice et du commissaire-priseur judiciaire, le commissaire de justice intervient dans de nombreux domaines du droit.

Floria, actuellement en formation pour devenir commissaire de justice, nous partage tout ce qu’il faut savoir sur la profession : qu’est-ce qu’un commissaire de justice ? Quel est son salaire ? Comment devenir commissaire de justice ?

Que faites-vous actuellement Floria ?

Actuellement, je suis en deuxième année de formation à l’Institut National des Commissaires de Justice. J’appartiens à la première promotion de cette nouvelle profession issue de la réforme dont je fais état ci-dessous. J’ai été admise après des écrits et des oraux, il s’agissait de la première session de ce nouvel examen d’entrée, en décembre 2020.

J’effectue mon stage de 2 ans dans une petite étude à PARIS, avec un patron qui – j’ai de la chance – me forme de manière polyvalente. Je fais des actes détachés, je gère des dossiers d’exécution ou des dossiers qui sont en amiable, je touche un petit peu à la comptabilité et je participe à la gestion de l’étude. Je fais pas mal de constats également. 

En savoir plus sur… Les pôles au sein d’une étude

Au sein d’une étude de commissaire de justice, il y a différents “pôles” :
– Les dossiers d’exécution : ce sont des dossiers techniques – souvent gérés par des clercs principaux ou des commissaires de justice salariés, car il faut être calé en procédures d’exécutions : saisie-attribution, saisie sur salaires, saisie-vente, saisie appréhension, saisie de VTM, dossiers en redressement judiciaire/liquidation judiciaire, saisies conservatoires , saisies des récoltes sur pied…. il existe pléthore de voies d’exécution. Ce n’est jamais là-dessus que l’on commence lorsque l’on arrive.

– Les dossiers d’expulsion : pas de secret, il faut être calé sur cette procédure technique et où les incidents de procédures sont innombrables ! Du commandement de payer à l’expulsion sur le terrain, il y a des semaines, des mois, et très souvent des années qui s’écoulent. Aussi, il faut un bon bagage et des connaissances solides.

– Les constats : une fois que le commissaire de justice rentre de constat, il ne serait rien sans son clerc, qui va lui s’occuper de monter son constat conformément à sa dictée et aux photos que celui-ci aura pris sur place. Un bon clerc au constat est inestimable, car de beaux constats bien fournis et cohérents vont fidéliser le client.

Les actes détachés : c’est en général avec ça que l’on commence, rien de tel pour monter en puissance et devenir bon ! Je ne regrette pas d’en faire beaucoup dans mon étude actuelle car c’est comme ça que je commence à avoir des réflexes : vous devenez incollable sur les mentions obligatoires des différentes assignations rédigées par les avocats (tribunal de commerce, tribunal judiciaire, référé, Appel…) qu’ils vous envoient pour signification. Tous les délais de procédure civile, vous commencez à les connaître par cœur, idem pour les voies de recours que vous ouvrez lorsque vous signifiez un acte ! Les actes de droit commercial sont super intéressants et très techniques également à rédiger
!

Qu’est-ce qu’un commissaire de justice ?

Un commissaire de justice, c’est quoi ?

Dans un souci de “meilleure administration de la justice”, la loi du 6 août 2015 – dite loi “Macron” – a fait naître une nouvelle profession de l’exécution : la profession de “commissaire de justice“. Cette réforme est entrée en vigueur le 1er juillet 2022.

Il s’agit d’une fusion entre 2 professions déjà existantes :

  • Les huissiers de justice
  • Les commissaires-priseurs judiciaires

Le commissaire de justice exercera toutes les prérogatives de ces 2 professions.

En outre, le commissaire de justice a la possibilité de passer l’habilitation aux ventes volontaires. Cette habilitation est sanctionnée d’une formation à l’école du Louvre suivi d’un écrit et d’un oral très électif. S’il est admis, il obtiendra le diplôme d’opérateur de ventes volontaires.

Quelles sont les missions d’un commissaire de justice ?

Les missions du commissaire de justice correspondent aux anciennes missions de l’huissier de justice et du commissaire-priseur judiciaire.

Concrètement, ses missions sont les suivantes :

  • Règlement amiable des litiges
  • Recouvrement amiable et judiciaire des créances
  • Recouvrement direct de pensions alimentaires
  • Procédures de chèques impayés
  • Exécution des décisions de justice
  • Médiation
  • Police des audiences
  • Constats
  • Administration et gestion d’immeubles
  • Ventes judiciaires (ventes issues de procédures collectives, de succession ou de saisies)

Quel est le statut du commissaire de justice ?

Comme nous l’avons vu, la profession d’huissier de justice et de commissaire-priseur ont fusionné depuis le 1er juillet 2022.

Le commissaire de justice est un officier public et ministériel (comme les notaires par exemple). Il est donc soumis à une déontologie stricte, contrôlée par la chambre nationale des commissaires de justice et, plus localement, par des chambres régionales.

À noter : ces chambres viennent remplacer les anciennes chambres des huissiers, qui existaient auparavant.

Pour devenir associé d’une étude, le commissaire de justice doit acheter une charge (comme les notaires). C’est extrêmement coûteux bien entendu, mais une fois achetée, nous sommes nommés par le garde des Sceaux à la tête de notre étude.

Nous pouvons aussi acheter des parts pour s’associer avec des commissaires de justice qui sont déjà associés d’une étude, si nous ne voulons pas être seuls à mener notre barque.

Bien sûr, il existe, comme chez les notaires, des commissaires de justice salariés, qui ont la qualité d’officier public ministériel mais qui ont décidé de ne pas acheter de parts dans une étude. 

Pour ma part, pour le moment je n’aspire pas à reprendre une étude. D’ailleurs, après le diplôme, j’aimerais pouvoir être nommée commissaire de justice salariée dans une grosse étude afin de pouvoir en même temps prendre la tête d’un pôle comme celui des expulsions ou celui des « actes détachés ». 

commissaire de justice

Depuis quand cette profession existe-t-elle ?

Ça y’est ! Nous existons officiellement depuis le 1er juillet 2022.

Pour rappel, l’huissier de justice est une institution ancienne. Autrefois appelés “executores officiales“, ils ont pris ensuite le nom de “sergents royaux” sous l’Ancien Régime avant de s’appeler huissier de justice. Le statut des huissiers de justice était régi par un décret du 29 février 1956.

Concernant les commissaires-priseurs judiciaires, anciens “huissiers Priseurs”, leur statut résultait d’un décret du 19 décembre 1945.

Ainsi, ces deux professions vont écrire ensemble une nouvelle page de leur histoire.

Comment devenir commissaire de justice ?

Pour devenir commissaire de justice, il faut impérativement passer un examen d’entrée très sélectif, composé d’épreuves d’admissibilité et d’admission.

Auparavant, lors de l’ancienne version, l’examen d’entrée était accessible avec un Master 1. Avec la réforme, les choses ont changé : il faut être titulaire d’un Master 2 !

Je conseille aux personnes qui sont intéressées de faire un Master 2 spécialisé dans les procédures civiles. Certes, c’est technique mais c’est le fondement du métier. On fait de la procédure civile à chaque instant. On a aussi un peu de procédure pénale aussi mais les actes pénaux sont moindres (citations à comparaître, significations des décisions de cour d’assises ou jugements correctionnels). Personnellement j’ai fait un Master 2 Droit du contentieux, où la matière maîtresse était la procédure civile. 

Ensuite, une fois le concours réussi, il faut suivre une formation théorique au sein de l’Institut national des commissaires de justice (INCJ) et, parallèlement, un stage pendant 2 ans.

  • La formation théorique : elle est dispensée par des formateurs spécialisés de l’INCJ et concerne de nombreux domaines du droit (procédure civile, métier de commissaire de justice, arts…)
  • Le stage de 2 ans : il a lieu au sein d’un office et l’étudiant devient alors commissaire de justice stagiaire (il est rémunéré). Il participe aux tâches de l’office et effectue les missions avec son maître de stage.

En fin de course, à l’issue de la formation, il y a des examens oraux pour obtenir le certificat d’aptitude à l’exercice de la profession.

En quoi consiste l’examen pour devenir commissaire de justice ?

Le programme de l’examen pour devenir commissaire de justice nous est donné par l’arrêté du 13 décembre 2019.

Pour les épreuves d’admission :

  • Un exposé de 10 minutes, après une préparation de 30 minutes, sur un sujet tiré au sort par le candidat et portant sur une question d’actualité posée à la société française ou sur une question de culture générale ou judiciaire suivie d’une discussion de 20 minutes avec le jury ; la note est affectée d’un coefficient 3 ;
  • Une interrogation d’une durée de 15 minutes portant sur une ou plusieurs des matières juridiques figurant à l’annexe ; la note est affectée d’un coefficient 4 ;
  • Une épreuve d’anglais consistant en une interrogation d’une durée de 15 minutes ; la note est affectée d’un coefficient 1 ;
  • Une interrogation facultative, d’une durée de 15 minutes, portant sur la langue vivante étrangère, figurant à l’annexe, choisie par le candidat lors du dépôt de son dossier ; la note est affectée d’un coefficient 1 ;
  • Une interrogation facultative, d’une durée de 15 minutes, portant sur l‘histoire générale de l’art ; la note est affectée d’un coefficient 1.
examen commissaire de justice 1
L’annexe de l’arrêté du 13 décembre 2019

Concernant les épreuves d’admissibilité :

  • Un cas pratique/une consultation de 3h sur une ou plusieurs des matières suivantes : droit civil, droit commercial (coefficient 3)
  • Un cas pratique/une consultation de 3h sur une ou plusieurs des matières suivantes : procédure civile, modes amiables de résolution des différends et modes alternatifs de règlement des différends, procédures civiles d’exécution (coefficient 4)

Le programme de l’examen peut faire peur. Contrairement au CRFPA, il faut être relativement bon en “tout”, un peu comme à l’Ecole Nationale de la Magistrature.

C’est difficile, mais faisable. Je n’ai pas eu un parcours brillantissime à la faculté de droit. D’ailleurs j’ai redoublé ma L2 et j’ai eu mon M1 avec un petit 11.8/20. Cependant, avec mon projet et les stages nombreux que j’avais effectués, j’ai pu obtenir l’admission dans le prestigieux Master 2 droit du contentieux dirigé par l’éminent Professeur Philippe Hoonakker à la faculté de droit de Strasbourg, où j’ai fait toutes mes études. 

Il n’y a donc pas besoin d’avoir été major de promo toutes les années fac : de la rigueur, du travail régulier et beaucoup de volonté, c’est le cocktail de la réussite.

Comment se préparer à l’examen de commissaire de justice ?

Je conseille fortement une année de prépa après son Master 2. Pour les plus chanceux financièrement, je conseille de prendre une prépa privée. Tout comme pour l’ENM, il est presque impossible d’y arriver sans avoir pris le temps de se préparer vraiment, comme toute épreuve.

Il existe 2 prépas aujourd’hui qui sont très bien toutes deux et qui – je pense – se valent :

  • La prépa ISP d’une part (très théorique mais les professeurs sont très compétents, beaucoup de concours blancs proposés). 
  • La prépa CDJ d’autre part (un peu plus pratico-pratique dirigée par deux anciennes Huissiers associées)

Pour nous (les premiers à passer cet examen), nous n’avons pas eu la chance d´avoir ce genre de prépa à l’année qui existait. Alors, si vous pouvez vous le permettre, il faut la faire.  Je sais que le taux de réussite est faible et que cela peut faire peur mais c´est comme partout , il faut se donner les moyens si c´est vraiment ce métier que l’on veut pratiquer !

Attention ne surtout pas y aller en pensant que c’est un plan B si l´ENM ou le CRFPA n´a pas fonctionné. C’est un examen sur le papier certes, mais en réalité c’est un concours déguisé. A part se “griller” un essai, cela ne sert rien. Il faut y aller préparé et motivé, car on n´a que 3 essais !

Avez-vous un conseil à partager à ceux qui voudraient passer le concours ?

Alors, il faut déjà de la volonté ! Il faut vraiment se donner pour cet examen, autant que pour l’ENM à mon sens. 

Ensuite, il faut de la motivation. On y va avec l’envie d’exercer ce métier, ce n’est pas un plan B au CRFPA ou à l’ENM ! Dans tous les cas, si vous allez à l’oral, le jury le verra par lui même que le métier ne vous stimule pas.

Enfin, il faut de la régularité dans le travail. Personnellement, je n’ai pas bossé H24 comme une dingue pendant mon été, j’ai travaillé régulièrement sur l’année à mon rythme, en m’accordant des pauses, des samedis etc. Il faut surtout beaucoup s’exercer sur les cas pratiques, les concours blancs et les refaire plusieurs fois.

Quel est le salaire d’un commissaire de justice ?

Cela dépendra beaucoup de l’Etude dans laquelle vous êtes ainsi que votre sphère géographique.

Tout comme nos “cousins” les notaires, nous avons une grille de salaires qui existe et qui détermine un salaire minimum, du simple clerc gestionnaire jusqu’au commissaire de justice salarié. 

grille de salaire commissaire de justice
La grille de salaire pour 2022 (source : fo-cma.fr)

Les salaires dans une étude varient d’un peu plus que le SMIC (“clerc significateur”)  jusqu’à environ 3 000 € net minimum pour un commissaire de justice salarié. On peut penser que 3 000 € ce n’est pas grand-chose pour quelqu’un qui a subi 7 ans d’étude supérieure (Master 2 et 2 ans de stage). C’est pour cela que tout est matière à négociation.

À Paris, où je vis et où j’effectue mon stage, les salaires sont bien plus élevés, mais évidemment pour remédier au coût de la vie. En province, le coût de la vie est moindre, donc moins de marge  de négociation. 

Il faut absolument négocier sa rémunération dans ce milieu, la grille n’imposant qu’un minimum de salaire.

Merci à Floria pour ces éléments !

Si la profession vous intéresse, n’hésitez pas à aller consulter son compte Instagram exclusivement dédié à la profession : Le compte “Chroniques d’un élève commissaire de justice

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