L’article 16 de la Constitution est l’un des articles les plus importants de la Constitution française de la Ve République (1958). Cet article permet au Président de la République d’obtenir des pouvoirs exceptionnels pour gérer une situation de crise. Nous allons revenir sur les conditions et les effets de la mise en oeuvre de l’article 16.

Qu’est-ce que l’article 16 de la Constitution française ?

L’article 16 de la Constitution française de 1958 permet au Président de la République, dans des cas de crise grave, de prendre des mesures qui relèvent à la fois du domaine de la loi et du domaine du règlement. 

Par cet article, on on va ainsi donner des pouvoirs étendus à une autorité exécutive, le président de la République, pouvoirs qui ne lui sont normalement pas attribués en période normale.

A noter : certains auteurs considèrent d’ailleurs que l’article 16 entraine l’ouverture d’une “dictature temporaire” au profit du Président de la République. C’est dire les effets qu’entraînent l’application d’un tel mécanisme…

Cet article 16 est sans doute l’un des articles les plus importants du droit constitutionnel français.

Les conditions de l’article 16 de la Constitution

L’article 16 de la Constitution française ne peut pas être invoqué et mise en oeuvre dans n’importe quelle situation. En effet, des conditions sont posées par le texte.

Voilà ce que prévoit l’article 16 de la Constitution : “Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances (…).”

Le texte pose ainsi 2 conditions pour mettre en oeuvre les pouvoirs exceptionnels du Président de la République : 

  • 1re condition : une menace grave et immédiate des institutions de la République, de l’indépendance de la Nation, de l’intégrité de son territoire ou de l’exécution de ses engagements internationaux
  • 2e condition : une interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels

Si l’un de ces conditions n’est pas réunie, il n’est pas possible de recourir à l’article 16 de la Constitution.

Le recours à l’article 16 de la Constitution est un pouvoir propre du Président de la République : aucun contreseing ministériel n’est nécessaire.

Par ailleurs, si le Président de la République souhaite recourir à l’article 16, il doit obligatoirement consulter le Premier ministre, les présidents des assemblées (président de l’Assemblée nationale et président du Sénat). Il doit également consulter le Conseil constitutionnel.

En outre, il doit informer la Nation par un message.

Enfin, en cas de mise en oeuvre de l’article 16 de la Constitution, le Parlement se réunit automatiquement (“de plein droit”). 

Les pouvoirs exceptionnels de l’article 16 de la Constitution

Si l’article 16 de la Constitution est mis en application, le Président de la République peut prendre toutes les mesures exigées par les circonstances, mêmes des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi. Le Président de la République va bénéficier de “pouvoirs exceptionnels” qui vont lui permettre de régler la situation de crise. Certains auteurs parlent de “pleins pouvoirs” du Président de la République.

Rappel : le Président de la République ne peut normalement agir que dans le domaine réglementaire (art. 37 de la Constitution). Il ne peut normalement pas agir dans le domaine de la loi (matières mentionnées à l’article 34 de la Constitution), lequel appartient au Parlement (titulaire du pouvoir législatif). Grâce à l’article 16 de la Constitution, le Président de la République va pouvoir empiéter dans le domaine de la loi afin de prendre les mesures qui s’imposent au regard de la crise.

⚠️ 
Toutefois, la Constitution de 1958 prévoit certaines limites aux pouvoirs exceptionnels du Président de la République : 

  • Le Président de la République ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale
  • Le Président de la République ne peut pas engager une procédure de révision de la Constitution
  • Le Président de la République ne peut pas interdire au Parlement de se réunir

Le contrôle des pouvoirs exceptionnels du Président de la République

Le contrôle politique

Tout d’abord, depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’application de l’article 16 de la Constitution peut faire l’objet d’un contrôle politique (article 16 alinéa 6 de la Constitution). Par ce contrôle, il s’agit de savoir s’il est toujours impératif de maintenir les pouvoirs exceptionnels du Président de la République (ou si, au contraire, il faut y mettre un terme).

2 situations doivent être distinguées :
– Le contrôle facultatif : après 30 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, 60 députés ou 60 sénateurs pour savoir si les conditions  d’application de l’article 16 sont toujours réunies. Le Conseil constitutionnel se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public.

– Le contrôle obligatoire (“de plein droit”) : après 60 jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel est automatiquement saisi pour déterminer si les conditions d’application de l’article 16 sont toujours réunies. 

Le contrôle juridictionnel

La décision de recourir à l’article 16 n’est pas attaquable devant le juge administratif puisqu’il s’agit d’un « acte de gouvernement » (ce sont des actes qui ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle de la part du juge administratif).

En revanche, s’agissant des mesures qui sont adoptées en application de l’article 16, elles sont susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif si elles relèvent du domaine du règlement (Conseil d’Etat, 2 mars 1962, n°55049 55055, arrêt « Rubin de Servens »). On estime en effet que ces mesures ont un caractère règlementaire (et les règlements peuvent être attaqués devant le juge administratif).

Par contre, si elles relèvent du domaine de la loi, elles sont inattaquables devant le juge administratif.  

La possible destitution par la Haute Cour

 Enfin, par ailleurs, en cas de manquement à ses devoirs incompatibles avec ses fonctions, le Président de la République peut être destitué par la Haute Cour. C’est ce que prévoit l’article 68 de la Constitution : “Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.”

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