L’arrêt Arcelor est l’un des arrêts les plus difficiles du droit administratif. La complexité de cette décision s’explique notamment par le fait que l’arrêt aborde l’articulation entre l’ordre juridique français et l’ordre juridique de l’Union européenne.

Alors, si vous avez du mal avec ce grand arrêt de la jurisprudence administrative, c’est normal. Rassurez-vous : grâce à cet article, vous allez beaucoup mieux comprendre les faits et la solution posée par le Conseil d’Etat.

Lien de la décision : CE 8 fév. 2007, “Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres”

Le contexte de l’arrêt Arcelor

L’arrêt Arcelor concerne la question du contrôle de constitutionnalité des actes administratifs. 

Pour rappel, un acte administratif unilatéral, qu’il s’agisse d’un règlement (« acte administratif réglementaire ») ou d’un acte individuel (« acte administratif individuel »), doit nécessairement respecter les normes qui lui sont supérieures. 

C’est le sens du principe de légalité.

Exemple : un décret adopté par le président de la République (le décret est un « règlement ») doit respecter les normes qui lui sont supérieures dans la hiérarchie des normes : les principes généraux du droit, la loi, les traités et aussi la Constitution. 

C’est ainsi qu’il est possible de contester la constitutionnalité d’un règlement (et plus généralement d’un acte administratif) en faisant un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. C’est donc le juge administratif (et non le CE) qui est compétent pour vérifier la constitutionnalité des actes administratifs.

C’est un problème de constitutionnalité d’un acte administratif qui s’est posé dans l’affaire Arcelor. 

Plus précisément, il s’agissait d’un décret qui venait transposer une directive de l’UE. Le juge administratif peut-il vérifier la constitutionnalité de ce décret de transposition ? 

Pour rappel, pour qu’une directive de l’UE puisse produire des effets, cette directive doit être transposée en droit français. Le législateur national (ou le pouvoir exécutif) doit adopter un acte de transposition de la directive (une loi de transposition, un décret de transposition) pour adapter la loi nationale au regard des objectifs de la directive.

Dès lors, lorsqu’un décret vient transposer une directive de l’UE (décret de transposition), le juge administratif peut-il vérifier que ce décret est conforme à la Constitution ?

C’est la question posée dans l’arrêt Arcelor. 

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Les faits de l’arrêt Arcelor

Dans cette affaire, une directive de l’UE du 13 octobre 2003 a été adoptée dans le cadre du protocole de Kyoto, concernant la question du gaz à effet de serre. Puisqu’il s’agit d’une directive de l’UE (et non d’un règlement), la directive doit être tranposée.

Ici, c’est par un décret que la directive a été transposée car en effet un décret du 19 août 2004 vient transposer la directive de l’UE en créant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. 

Le problème est que le décret ne s’applique qu’aux installations du secteur sidérurgique, ce qui ne plait pas à la société Arcelor qui est concernée par ce secteur.

Par conséquent, la société Arcelor demande au Président de la République, au Premier Ministre et au ministre de l’Écologie d’abroger le décret. Ils ne répondent pas, ce qui créée une décision implicite de rejet. 

C’est cette décision implicite de rejet qui est attaquée devant le juge administratif. La société Arcelor demande en effet l’annulation du refus de l’administration d’abroger le décret. 

Pour la société Arcelor, étant donné que le décret ne concerne que le secteur sidérurgique, cela porte atteinte au principe constitutionnel d’égalité car d’autres industries – comme celles de l’aluminium ou du plastique – ne sont pas concernées. Il y a donc, pour la société Arcelor, une rupture d’égalité. 

Ici, le décret ne vient que reprendre les termes de la directive de l’UE. Et, pour la société Arcelor, ce décret de transposition est notamment contraire au principe constitutionnalité d’égalité, c’est pourquoi ce décret doit être abrogé. Un recours pour excès de pouvoir est donc formé devant le juge administratif. 

Le problème, c’est qu’ici le décret de transposition ne fait que reprendre les termes de la directive de l’UE. Or, si le juge administratif peut vérifier que le décret respecte la Constitution, cela revient aussi à vérifier que la directive de l’UE respecte la Constitution. 

Il y a donc un problème d’articulation entre l’ordre juridique national et l’ordre juridique de l’UE. Le CE donne alors la marche à suivre dans cette hypothèse. 

La solution et la portée de l’arrêt Arcelor

Dans cette situation, le juge administratif doit tout d’abord rechercher si les principes constitutionnels (dont la méconnaissance est invoquée) ont un équivalent dans le droit de l’UE. 

Autrement dit, est-ce que les traités de l’UE ou les PGD de l’UE protègent les principes constitutionnels dont la méconnaissance est invoquée (notamment ici le principe d’égalité) ? 

  • Si OUI, le juge administratif, pour vérifier que le décret respecte la Constitution, doit vérifier que la directive (que le décret transpose) respecte le principe protégé par le droit de l’UE. Dans cette hypothèse, s’il a un doute, le juge administratif peut saisir la CJUE dans le cadre d’une question préjudicielle. Dans notre affaire, le CE considère qu’il y a effectivement un équivalent du principe d’égalité en droit de l’UE. 
  • Si NON, si les principes constitutionnels (dont la méconnaissance est invoquée) n’ont pas d’équivalent en droit interne, le juge administratif peut statuer directement sur la conformité du décret de transposition au principe constitutionnel (à la Constitution).

Par cet arrêt Arcelor, le Conseil d’Etat vient donc donner un mode de raisonnement pour concilier le système national et le système de l’UE. 

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